« Les risques psychosociaux, c’est quand on est stressé au travail, non ? »

En réalité, le stress est plutôt un signal visible d’un déséquilibre dans l’organisation du travail.

→ À ce titre, le rapport Gollac nous enseigne ceci :

« Il convient de considérer que ce qui fait qu’un risque pour la santé au travail est psychosocial, ce n’est pas sa manifestation, mais son origine : les risques psychosociaux seront définis comme les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental » (Gollac & Bodier, 2011).

En d’autres termes, les risques psychosociaux (RPS) désignent donc un ensemble de facteurs qui, combinés, peuvent interagir avec le fonctionnement mental des individus et comporter un risque pour leur santé.

« Mais alors, d’où viennent ces risques ? Ils sont liés à la fragilité des individus ? »

Les RPS ne viennent pas d’un “manque de résistance” ou d’une “fragilité” de la part des individus, mais bien de l’organisation et des conditions de travail qui mettent à mal l’équilibre entre les exigences du travail et les ressources disponibles.

En définitive, il n’y a pas d’individus « faibles », et ce n’est pas non plus une question de statut : les RPS concernent tout le monde — employeurs, managers, salariés…

Deux modèles fondateurs l’ont montré :

  • Le modèle de Karasek explique que la tension — le risque pour la santé — apparaît lorsque les exigences du travail sont fortes et les marges de manœuvre faibles.

  • Le modèle de Siegrist souligne l’impact du déséquilibre entre les efforts fournis et la reconnaissance reçue ou perçue.

Ces approches ont été complétées par le rapport Gollac, qui décrit six grandes familles de facteurs de risques psychosociaux.

« Six ? Lesquels exactement ? »

Voici les six familles de facteurs de risques psychosociaux selon le rapport Gollac (2011) :

→ L’intensité et le temps de travail
Ce facteur renvoie à la charge de travail, aux rythmes imposés, aux interruptions fréquentes ou encore aux horaires atypiques. Lorsque la charge devient durablement excessive, elle épuise les ressources physiques et mentales nécessaires à la régulation des contraintes.

→ Les exigences émotionnelles
Elles concernent les situations où le travail implique une gestion constante des émotions : contact avec le public, confrontation à la souffrance, nécessité de “garder son calme” ou de masquer ses émotions. Cette régulation permanente est énergivore et fragilise l’équilibre psychique.

→ Le manque d’autonomie
L’autonomie renvoie à la latitude de décision, c’est-à-dire la capacité à organiser son travail, à utiliser et développer ses compétences. Un manque d’autonomie empêche les ajustements nécessaires face aux imprévus et réduit le sentiment de maîtrise de son activité.

→ Les rapports sociaux au travail
Ce facteur fait écho au climat relationnel, à la reconnaissance, au style managérial, mais aussi au soutien social et professionnel de la hiérarchie ou des pairs.

→ Les conflits éthiques et de valeurs
Ils apparaissent lorsque les professionnels doivent agir à l’encontre de leurs valeurs professionnelles ou éthiques. On parle alors de “travail empêché”, de sentiment de ne pas pouvoir faire un travail de qualité, mais aussi de contradictions entre les objectifs et la qualité souhaitée. Ces situations touchent au sens du travail et à l’identité professionnelle.

→ L’insécurité socio-économique
Quand l’avenir paraît incertain : restructurations, contrats précaires, changements rapides. Elle se rapporte à la crainte de perdre son emploi, à la précarité, aux restructurations, aux changements organisationnels. L’incertitude sur l’avenir professionnel génère un climat anxiogène et empêche la projection dans le temps.

« Donc si je comprends bien, c’est multifactoriel ? »

Tout à fait !

Les RPS ne se résument pas à une cause ou à un facteur de risque unique. Ils résultent d’interactions entre plusieurs dimensions : exigences du travail, organisation, relations, sens, reconnaissance, stabilité de la situation d’emploi…

C’est pourquoi deux personnes dans un même service peuvent vivre la même situation de manière très différente.

« Et quelles conséquences ça peut avoir ? »

Cela peut avoir des répercussions sur la santé des individus :

  • Sur la santé physique : fatigue, maux de tête, troubles du sommeil, troubles cardiovasculaires, tensions musculaires, voire affections des articulations, muscles et tendons (troubles musculosquelettiques).

  • Sur la santé psychique et émotionnelle : irritabilité, crises de larmes, anxiété, perte de motivation, burn-out ou épuisement professionnel, dépression, voire suicide.

  • Sur la santé cognitive : difficultés de mémorisation, de concentration, oublis, erreurs.

Mais les RPS touchent aussi le collectif de travail, au sein duquel peuvent apparaître des tensions, des conflits, des violences, et plus globalement une baisse de la solidarité et une perte de repères.

Il y a également des conséquences pour l’entreprise, qui fait face aux coûts directs et indirects des RPS. En effet, les organisations peuvent constater une hausse de l’absentéisme, du turnover, mais aussi des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Il en résulte des enjeux de performance, financiers et juridiques, mais aussi une image de marque pouvant se dégrader.

« Mais alors, on fait comment pour éviter les RPS ? »

Il est nécessaire de mettre en place une démarche de prévention ! Et pour cela, il n’est pas nécessaire d’attendre que des indicateurs dégradés apparaissent. La prévention des RPS, c’est agir sur le travail lui-même. Et pour agir sur le travail, il est nécessaire de s’intéresser directement à ceux qui le réalisent. Une démarche participative est recommandée, car elle permet d’accéder aux situations de déséquilibre entre les contraintes du travail et les ressources dont les professionnels disposent pour le réaliser.

La finalité est de redonner aux collaborateurs la possibilité d’agir sur leur travail.

Quelques exemples de leviers qu’une évaluation participative des RPS peut permettre d’identifier :

  • Clarifier les objectifs et ajuster la charge de travail aux ressources disponibles ;

  • Développer l’autonomie et la participation des salariés aux décisions qui les concernent ;

  • Valoriser le travail bien fait, tant sur le plan symbolique que matériel ;

  • Cultiver des relations respectueuses et solidaires ;

  • Donner du sens et de la visibilité sur les changements organisationnels.

Un projet de prévention des RPS doit impliquer les différents acteurs de l’entreprise pour construire collectivement un environnement de travail plus juste, plus sain et plus durable. En favorisant la santé des personnes et la performance durable de l’entreprise, la prévention des RPS s’inscrit directement dans une démarche globale de qualité de vie et des conditions de travail (QVCT).

« En somme, pour prendre soin des personnes, prenons soin du travail. »

Bibliographie :

  • Gollac, M., & Bodier, M. (2011). Mesurer les facteurs psychosociaux de risque au travail pour les maîtriser. Rapport du Collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail.
  • Karasek, R. (1979). Job Demands, Job Decision Latitude, and Mental Strain: Implications for Job Redesign. Administrative Science Quarterly, 24(2), 285–308.
  • Siegrist, J. (1996). Adverse health effects of high-effort/low-reward conditions. Journal of Occupational Health Psychology, 1(1), 27–41.